L’HEURE DE GOÛTER #01

LA SAVEUR DE LA FADEUR

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Une drôle d’entrée en matière pour cette première newsletter L’heure de Goûter ! Ce nouveau média créé par JAPPRENDSAGOUTER vous invite à rencontrer votre goût. Vous pensez qu’un aliment fade est un aliment qui n’a pas de goût ? Alors découvrons ensemble en quoi vos certitudes ne reposent sur aucune objectivité.

La construction du goût

La fadeur est la meilleure introduction au goût par sa nature subjective. Toutes les perceptions gustatives émergent d’une activation de tous nos sens simultanément. Or nos sens sont extrêmement influençables par notre mémoire, notre état d’esprit et l’environnement dans lequel nous nous trouvons. Le goût est une représentation pluridimensionnelle qui n’appartient qu’à soi. Pour résumer, personne ne mange à votre place et vous êtes seul à percevoir ce que vous percevez.

De quel fade parle-t-on ?

L’insipide, le triste, l’insignifiant ne seraient-ils qu’une interprétation et pourraient-ils ne pas exister ? La réponse est non, car il existe une fadeur liée à la perte de qualité de ce que nous consommons. Mais il convient de la distinguer des saveurs d’aliments de qualités qui nous échappent. Et de comprendre comment notre système gustatif si sophistiqué, notre profil sensoriel si complexe et complet, peuvent-ils ne pas détecter la finesse de certains mets.

Tous les aliments nous parlent, l’absence de ressentis pendant la dégustation provient soit d’un encombrement du palais, soit d’aliments rendus muets à la suite de maltraitance. Et c’est par son silence que l’aliment exprime tout son malheur !

Le fade des aliments maltraités

Un fruit cueilli non mûr et qui voyagera dans un espace réfrigéré ne pourra rien nous raconter ; Mais son incapacité à nous parler de lui nous éclaire malgré tout sur l’anomalie de son histoire, à condition d’avoir mémorisé sa saveur dans des conditions favorables. Il en va de même pour un fromage trop froid, que l’on goûte dès sa sortie du réfrigérateur.

Il nous est arrivé à tous de trépigner d’impatience avant de dévorer les premières fraises, rouges, grosses, brillantes des étales du mois d’avril et d’avoir achevé cette expérience remplie de promesses, par un néant gustatif cruellement décevant.

Notre vue nous a envoyé des messages non conformes à la nature de cette fraise qui n’a pas suivi son cycle naturel : pousser dans la terre qui la nourrit et se laisser dorloter par les rayons du soleil qui la font rougir, mûrir, produire son sucre et devenir joyeusement fondante quand elle est mature.

La production intensive selon des principes industriels de ce fruit merveilleux devenu insignifiant, conduit certains à nous expliquer comment agrémenter des fraises fades avec du sucre, de la menthe ou du citron, sans compter le renfort de la vanille qui a du mal à s’entendre avec cette dodue qu’elle n’a jamais croisé sous les tropiques. La fraise est une petite merveille, comme beaucoup d’autres aliments, sa forme, sa couleur, ses akènes en surface, sa pulpe juteuse, son goût puissant, son odeur printanière chargée de gaité…rien ne peut la remplacer. Alors pourquoi s’en priver ? Cela vous fait-il penser à des aliments qui n’ont plus rien à voir avec le goût que vous avez mémorisé et que vous cherchez en vain ?

Le fade qui nous interpelle

Qu’en est-il du navet qui est l’étendard de la nullité selon certains, ne dit-on pas qu’un mauvais film est un navet ? Et pourtant, quelle finesse et quelle douceur quand, nageant dans le bouillon du pot-au-feu, un morceau fondant vient caresser le palais et laisser en bouche cette saveur unique qu’il ne partage avec personne ! Mettez-vous à la recherche d’un maraîcher amoureux du navet qui aura pris soin de le faire pousser dans les règles de l’art.

Le navet possède une odeur très discrète mais une saveur délicate et unique ainsi qu’une consistance moelleuse attendrissante quand il est bien cuit.

La fraise a une odeur magique, qu’elle soit des bois ou des champs. Celles qui n’ont aucun goût n’ont pas non plus d’odeurs, c’est une information qui nous alerte sur son histoire et ses qualités. Méfiez-vous des diffuseurs d’arômes de certains points de vente ! Ils vous font des promesses que les fruits ne pourront pas tenir.

En bref : Nos cinq sens savent tout ce qu’il y a savoir d’un aliment avant même que nos papilles ne soient obligées d’être déçues. Le fade est souvent lié à un manque de qualité de nos aliments ou de nos ingrédients. Choisissez des choses simples, dont vous connaissez la provenance et vous pourrez tester les performances de vos papilles, et de tous les sens qui vont avec.

Si tout vous semble insipide tant que vous ne l’avez pas inondé de sauce, sel, poivre et autres surplus alors passons à l’option suivante : votre palais n’aurait-il pas besoin d’un grand bol d’air ?

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